CHAPITRE 3

3 – Un quartier haut en couleur

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Afin de matérialiser ses rêves d’accessibilité et de solidarité, BEES coop a choisi de s’installer dans un quartier aux réalités contrastées, le quartier Coteaux à Schaerbeek, en bordure du « croissant pauvre » bruxellois. Là, des ménages aisés côtoient des familles parmi les plus pauvres de la capitale.

Pour (commencer à) cerner l’identité des habitant·e·s du quartier, nous avons rassemblé quelques données socio-démographiques.
La zone est caractérisée par un faible taux d’emploi, des ménages jeunes et de nombreuses familles avec enfants. Les moins de 3 ans sont sur-représentés et, compte tenu de la très faible disponibilité des places en milieu d’accueil, on peut supposer qu’une bonne partie des ménages assure leur garde quotidienne.
BEES coop se situe par ailleurs sur une frontière socio-économique : les quartiers à l’Ouest concentrent une immigration issue de pays dits « pauvres » ou « intermédiaires » tandis que les allochtones résidant à l’Est viennent majoritairement de pays plus riches.

L’alimentation constitue une pratique très marquée culturellement. Nous nous sommes donc intéressés aux nationalités ou origines représentées dans les environs du magasin. Les statistiques révèlent ainsi que les communautés les plus importantes sont, par ordre décroissant: turque, marocaine, française, polonaise, et italienne.

Quelques mois après l’ouverture, BEES coop a organisé des journées « portes ouvertes » afin de permettre aux habitant·e·s du quartier de découvrir le magasin.Le temps d’un week-end, le lieu s’est ainsi transformé en un supermarché presque classique où tout le monde pouvait venir faire ses courses. Une occasion parfaite pour recueillir l’avis des curieux·ses qui poussèrent la porte.

On l’a vu, les fondateurs·trices rêvaient de « casser les murs entre communautés » ; la solidarité et l’accessibilité constituent des valeurs centrales du projet. Mais se comprendre, créer du lien et partager des valeurs ne va pas de soi quand on vient d’horizons très différents.
Si la grande diversité culturelle et sociale du quartier représente une réelle richesse, elle est aussi source d’incompréhensions et de décalages vis-à-vis d’un projet alternatif tel que BEES coop.

Ces malentendus et obstacles ont été mis en scène dans le cadre d’un projet de théâtre-action mené avec des apprenant·e·s de l’association Eyad. Avec humour et sincérité, ils·elles nous parlent de leurs premières impressions en découvrant BEES coop. Divers extraits du spectacle sont présentés dans les chapitres qui suivent.

DessinPierreJuliette
BEES coop est sans conteste innovante et porteuse de nombreuses valeurs mais les habitudes alimentaires sont marquées par de multiples facteurs, profondément liées à l’identité et la situation de vie de chacun·e. Pas si facile, dès lors, de mettre tout le monde à la même enseigne…

Notre recherche action participative a permis de mieux comprendre les raisons de cette difficulté. Au cours de dizaines d’activités menées avec des groupes du quartier, l’équipe de chercheur·euse·s et le Comité mixité sociale de BEES coop ont identifié une multiplicité de freins et de pistes d’action touchant à quatre volets du projet coopératif :

  1. la communication ;
  2. l’offre du magasin ;
  3. le travail bénévole ;
  4. le modèle coopératif et participatif.
Au fil des mois, il est devenu évident qu’il ne suffisait pas de faire connaître BEES coop dans le quartier pour réussir son ancrage local. Il fallait aussi que les membres de la coopérative aillent à la rencontre des habitant·e·s, apprennent à les connaître et, en particulier, découvrent leurs besoins et habitudes alimentaires.

Comment communiquer et s’entendre quand on ne partage pas la même langue, le même bagage, le même parcours? Comment proposer une offre alimentaire qui convienne aux habitudes et régimes de chacun·e ? Comment concilier les avis et construire un projet commun? Ces observations et expérimentations font l’objet des prochains chapitres. 

PictoLoupeAllerPlusLoin

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